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Du caractère protecteur de l'article 8 de la CEDH en cas de contestation de paternité

Le 07 août 2018

Dans un arrêt du 7 juin 2018 ( CEDH 7 juin 2018, Novotný c. la République tchèque, req. n° 16314/13 ) , la Cour Européenne des droits de l'homme vient d'affirmer que l’impossibilité de contester une déclaration judiciaire de paternité alors qu’un test ADN pratiqué ultérieurement a révélé la fausseté de cette paternité méconnaît l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Les faits étaient les suivants:

Un homme tchèque est judiciairement déclaré père d’un enfant par une décision de justice en 1966, sur le fondement de témoignages, des dates de sa relation avec la mère et d’un test sanguin utilisé à l’époque. Son appel est rejeté au motif que les faits avaient été prouvés à un degré suffisant et la décision devient définitive.

Le requérant reprend l’affaire en 2011 et demande au procureur général de contester la décision établissant sa paternité. Ce dernier refuse.

Des tests ADN pratiqués en 2012 confirment que le requérant n’est pas le père. Le procureur général refuse cependant encore d’agir au motif que, lorsque la paternité a été établie par une déclaration judiciaire devenue exécutoire, la loi ne prévoit aucune possibilité de la contester.

Le requérant dépose un recours constitutionnel contre la décision du procureur, soutenant que les dispositions de la loi tchèque ne permettant pas de contester la paternité établie judiciairement sont inconstitutionnelles. Son recours constitutionnel ayant été rejeté, il saisit la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en invoquant une violation de son droit au respect de sa vie privée et familiale.

La CEDH s’étant déjà prononcée dans une affaire slovaque concernant une situation et des règles sensiblement identiques (10 oct. 2006, Paulík v. Slovaquie, n° 10699/05, ), elle reprend ses précédentes considérations pour aboutir au même constat de la violation de la vie privée du requérant.

Le présent litige  concerne l' impossibilité de contester une déclaration judiciaire de paternité : celle-ci ne peut en effet être contestée que par l’exercice des voies de recours (le requérant a d’ailleurs fait appel mais sans succès) mais, une fois devenue définitive, la décision est inattaquable et, par conséquent, la paternité incontestable. Le litige porte donc sur l’impossibilité pour le requérant de remettre en cause une paternité judiciairement déclarée, à la lumière de nouvelles preuves biologiques qui n’étaient pas connues lors de la procédure de paternité initiale.

La CEDH rappelle que la procédure relative à l’établissement ou à la contestation de la paternité concerne le droit à la vie privée, « qui englobe des aspects importants de l’identité personnelle » (§ 41) et qu’il existe donc un lien entre le souhait du requérant de voir révoquer la décision ayant établi sa paternité et sa vie privée. Elle vérifie par conséquent si les autorités nationales ont satisfait aux exigences et à l’esprit de l’article 8 de la Convention européenne dans l’exercice de leurs obligations positives (§ 43) et, plus précisément, « si les autorités ont ménagé un juste équilibre entre l’intérêt général de protéger la sécurité juridique des relations familiales et les intérêts du requérant à faire examiner sa paternité à la lumière des résultats du test ADN » (§ 44).

La CEDH considère que « le requérant a légitimement le droit d’avoir au moins la possibilité de refuser la paternité d’un enfant qui, d’après des preuves scientifiques, n’est pas le sien » (§ 47) et que l’intérêt général de protéger l’enfant, en l’espèce, « a perdu beaucoup de son importance » dès lors que la fille présumée du requérant a actuellement plus de cinquante ans et ne dépend pas de lui pour subvenir à ses besoins, qu’elle a accepté le test ADN et déclaré ne pas s’opposer à la contestation de la paternité de l’homme qu’elle ne considère pas comme son père. Et la Cour européenne de conclure que « l’absence de procédure permettant de mettre en conformité la situation juridique avec la réalité biologique est incompatible avec les souhaits des personnes concernées et ne profite en fait à personne » (§ 49).

C’est pourquoi la CEDH estime que, même en tenant compte de la marge d’appréciation laissée aux États, un juste équilibre n’a pas été ménagé entre les intérêts du requérant et ceux de la société et qu’il y a donc eu violation de l’article 8 de la Convention.

Qu'en est-il en droit  français?

En droit français, il n’est pas non plus possible de contester une déclaration judiciaire de paternité autrement que par l’exercice des voies de recours juridictionnels. Notons qu’en matière civile, l’expertise biologique de paternité ne peut être pratiquée que dans le cadre d’une mesure d’instruction ordonnée par un juge saisi d’une action relative à la filiation ou aux subsides, ce qui suppose justement la recevabilité de l’action (C. civ., art. 16-11). .

En conséquence, l’impossibilité qui résulte du droit français de contester une filiation judiciairement déclarée pourrait être considérée, comme en l’espèce, contraire à l’article 8.

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