De la nécessité de qualifier les actes matériels de privation de liberté en cas de séquestration
Par arrêt en date du 28 février 2018, la chambre criminelle de la Cour de Cassation souligne la nécessité pour les juges du fond, de justifier leur décision et plus précisément lors de la qualification des faits matériels d’une infraction.
C'est ainsi que les juges du fond qui condamnent des prévenus du chef de détention suivie de libération volontaire avant le septième jour, sans préciser les actes matériels de privation de liberté d’aller et venir, s’exposent à la cassation pour absence de justification de la décision.
Les faits étaient les suivants:
Le directeur d’une entreprise constatait par vidéosurveillance un flagrant délit de vol de viande appartenant à sa société, par un salarié. Souhaitant mener l’enquête, le directeur de l’entreprise ainsi que le directeur des ressources humaines, interpellèrent plusieurs salariés, les conduisirent dans des locaux séparés pour empêcher une concertation, les interrogèrent, les confrontèrent, et appréhendèrent leurs téléphones portables personnels aux fins d’exploitation. Le salarié soupçonné de vol a ainsi été retenu pendant trois heures, dans le noir, sans téléphone et sur injonction de ne pas bouger, s’exposant dans le cas contraire à un licenciement.
Le salarié déposait plainte pour séquestration et violences volontaires contre le personnel de direction le 4 octobre 2013 en exposant que ces faits avaient provoqué chez lui un choc émotionnel important.
Par jugement du 19 novembre 2015 les prévenus étaient condamnés, ils interjetaient appel.
L’arrêt, confirmatif, du 9 mars 2017 condamnait les prévenus pour détention suivie de libération volontaire avant le septième jour en soulignant que la pression morale et psychologique exercée par des supérieurs hiérarchiques qui menaçaient de le licencier, était telle que le salarié était privé de sa liberté d’aller et venir.
Cette motivation est insuffisante aux yeux de la Cour de cassation qui souligne que les actes matériels entravant la liberté d’aller et venir, dirigés contre le salarié ne sont pas justifiés dans la décision au fond, et ce d’autant plus que l’employeur peut procéder à une enquête interne.
Cette décision est en opposition avec celle rendue dans l'affaire du dirigeant séquestré par ses salariés (Crim. 23 déc. 1986, n° 85-96.630). La chambre criminelle avait alors considéré que le délit de séquestration arbitraire était constitué dès lors que les salariés avaient retenu contre son gré l’employeur dans les locaux de l’entreprise, même sans l’usage de violence, afin de le contraindre à accorder des avantages qu’ils réclamaient.
Dans cet arrêt, la chambre criminelle met en exergue la distinction entre enquête interne légitime du directeur et la séquestration répréhensible par la loi pénale, des dirigeants contre les salariés et rappelle aux juges du fond, la nécessité d’une motivation précise, adaptée, justifiée et notamment dans la qualification de l’infraction qui doit contenir les éléments matériel, moral, et légal.