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Usufruit spécial du conjoint survivant et article L. 123-6 du CPI

Le 25 juin 2019

Aux termes d'un arrêt du 22 mai 2019, la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation rappelle que l’usufruit spécial dont bénéficie le conjoint survivant aux termes de l'article  L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle ne lui permet pas de faire réaliser et de vendre des tirages de bronzes posthumes numérotés à partir de modèles en plâtre non divulgués réalisés par l’artiste. Ces derniers constituent des œuvres originales qui ne relèvent pas du droit de reproduction.

Il importe de rappeler qu'aux termes de l’article L. 123-6 du code de la propriété intellectuelle, le conjoint survivant bénéficie , en plus des droits du conjoint survivant issus du Code civil , d’un usufruit spécial qui lui permet d'une part de percevoir les fruits civils, c’est-à-dire les redevances d’auteur, ce qui inclut les droits de reproduction, de représentation, d’adaptation et de suite, ainsi que leurs nouveaux démembrements, d'autre part  de conclure les contrats nécessaires à l’exploitation des œuvres. 

Les faits soumis à la Cour de Cassation étaient les suivants:

Un célèbre sculpteur chinois décède à l’âge de 80 ans en laissant pour lui succéder sa seconde épouse, Mme Bingan Anne H…, et ses trois enfants issus d’une précédente union : Rémy H…, Paolo H… et Alain H….

La veuve bénéficie au titre de l’article L. 123-6 du code de la propriété intellectuelle, du droit d’usufruit spécial du conjoint survivant relativement à la reproduction des œuvres de son défunt conjoint

Sans consulter ses beaux-fils, la veuve fait réaliser des bronzes posthumes, numérotés et signés, à partir de modèles en plâtre que son défunt mari avait réalisés et n’avait pas divulgués.

Les fils reprochent alors à la veuve d’avoir outrepassé ses droits d’usufruitière en faisant réaliser au moins trente et un bronzes posthumes numérotés et signés grâce à des moules non divulgués réalisés par leur père, et ce sans leur autorisation alors même qu’ils sont nus-propriétaires.

Pour les juges du fond, l’usufruitière, en faisant un tirage et en le vendant, n’avait fait qu’exercer le droit d’exploitation conféré par l’article L. 123-6 du code de la propriété intellectuelle et il n’y avait pas lieu de prononcer la révocation de son droit d’usufruit. La Cour d’appel estimait que le manquement de l’usufruitière, qui avait consisté dans le refus de communiquer toute information sur les tirages des bronzes réalisés depuis la mort de l’artiste, n’était pas suffisamment grave pour justifier une révocation de l’usufruit. Les héritiers ont alors formé un pourvoi contre la décision, lequel a été partiellement accueilli par la première chambre civile.

Deux questions étaient soumises à la Cour de cassation: 

- celle de la qualification de tels tirages. Il s’agissait de savoir si ces derniers constituaient des reproductions relevant du droit d’usufruit spécial de l’épouse ou, au contraire, si l’on devait y voir des œuvres originales, lesquelles ne pouvaient être tirées et vendues sans l’accord des nus-propriétaires.

À cette question, la Cour de cassation, au visa de l’article L. 123-6 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, alors en vigueur, énonce qu’aux termes de ce texte, pendant l’année civile en cours et les soixante-dix années qui suivent le décès de l’auteur, « le conjoint survivant, contre lequel n’existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps, bénéficie, quel que soit le régime matrimonial et indépendamment des droits d’usufruit qu’il tient des articles 756 à 757-3 et 764 à 766 du code civil sur les autres biens de la succession, de l’usufruit du droit d’exploitation, dont l’auteur n’aura disposé ». Elle décide ainsi que « les tirages en bronze numérotés ne relèvent pas du droit de reproduction, de sorte qu’ils n’entrent pas dans le champ d’application de l’usufruit du droit d’exploitation dont bénéficie le conjoint survivant ». La Cour de cassation censure sur ce point la cour d’appel de Paris non seulement sur la possibilité de l’usufruitière d’aliéner seule ces tirages mais également sur toutes les demandes subséquentes des héritiers, à savoir notamment la réalisation d’un inventaire ou la déchéance de ses droits d’usufruitière ainsi que la réparation de leur préjudice.

La Cour de cassation rappelle alors que, selon une jurisprudence constante, les épreuves en bronze à tirage limité coulées à partir du modèle en plâtre ou en terre cuite réalisé par le sculpteur personnellement doivent être considérées comme l’œuvre elle-même émanant de la main de l’artiste, prenant soin de citer trois précédentes affaires . En effet, par leur exécution même, ces supports matériels, dans lesquels l’œuvre s’incorpore et qui en assurent la divulgation, portent l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Dès lors, dans la limite de douze exemplaires (exemplaires numérotés et épreuves d’artiste confondus), ils constituent des exemplaires originaux et se distinguent d’une simple reproduction. Ainsi, la veuve ne pouvait en aucun cas procéder, sans l’autorisation des nus-propriétaires, à de tels tirages posthumes, lesquels constituent une atteinte à la substance des droits des nus-propriétaires. En opérant ces tirages, la veuve s’est rendue coupable d’abus. Les sanctions auxquelles celle-ci s’expose peuvent s’avérer très lourdes : elle risque a minima une condamnation à des dommages-intérêts aux héritiers et un rappel à l’ordre, judiciaire, comme en dispose l’article L. 122-9 du code de la propriété intellectuelle. Mais, au-delà de ces sanctions, le risque est de se voir déchoir de son usufruit (C. civ., art. 618).

- celle de la légitimité du rejet de l’action en contrefaçon des héritiers à l’encontre de la veuve. La cour d’appel avait rejeté la demande en contrefaçon au titre de la reproduction de modèles en plâtre non divulgués, au motif que le dispositif des conclusions était totalement imprécis et que, selon elle, un acte de contrefaçon ne pouvait être retenu sans indication de l’œuvre contrefaite.  Sur ce point, la première chambre civile rappelle que « les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ». l’imprécision dans l’énoncé d’une prétention au sein du dispositif ne saurait être assimilée à un défaut de récapitulation de cette prétention.

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