Nécessité de distinguer la perte de vie et la souffrance morale liée à la conscience de sa mort prochaine
Par un arrêt en date du 23 novembre 2017, la 2ème chambre de la Cour de Cassation rappelle que si la perte de vie ne fait naître, en elle-même, aucun droit à réparation dans le patrimoine de la victime, elle se distingue de la souffrance morale liée à la conscience de sa mort prochaine qui elle, est indemnisable, à la condition que la preuve d’une véritable conscience soit rapportée.
Les faits étaient les suivants: un enfant de quatre ans était décédé noyé dans une piscine. Ses parents avaient assigné le constructeur et les propriétaires en réparation des préjudices subis par leur enfant en qualité d’héritiers et par eux en qualité de victimes par ricochet.
Ils demandaient réparation en tant qu’héritiers de la victime directe de la perte de chance de vivre et de la conscience de l’imminence de la mort qu’elle a subie.
La cour d’appel de Bastia les débouta de leur demande jugeant d’une part, que la perte de chance de vivre n’était pas un préjudice que l’enfant victime avait pu subir de son vivant et, d’autre part, que la preuve de la conscience de la mort imminente pour l’enfant victime n’était pas établie avec certitude.
Les parents de l’enfant décédé se pourvurent en cassation reprochant à l’arrêt d’appel d’avoir violé les articles 1382 et 731 du code civil en ne retenant pas que la souffrance morale éprouvée par l’enfant en raison d’une perte de chance de survie était bien née dans son patrimoine avant son décès et que de ce fait, elle se transmettait à ses héritiers. Ils reprochèrent également à la cour d’appel d’avoir violé les mêmes articles en ne retenant pas le préjudice moral constitué par l’éminence de la mort alors même qu’aucune circonstance ne démontrait qu’il avait été privé de sa conscience au moment de l’accident.
La Cour de Cassation rejette le pourvoi.
Dans un arrêt du 23 novembre 2017, la 2ème chambre de la Cour de Cassation confirme d’abord que la perte de vie n’est pas un préjudice indemnisable en ce qu’elle ne fait naître aucun droit à réparation dans le patrimoine de la victime de son vivant. Elle précise ensuite que seul le préjudice constitué par la souffrance morale liée à la conscience de la mort prochaine est indemnisable mais que c’est à la condition que la preuve de cette conscience de la victime soit rapportée. Elle rappelle que les éléments de preuve restent à l’appréciation souveraine des juges du fond qui ont considéré, à bon droit, que la preuve de la conscience de la victime de sa mort prochaine faisait défaut. Faute de preuve, le préjudice n’est pas entré dans le patrimoine du défunt et n’a pas pu être transmis, au moment de son décès, à ses héritiers. La réparation d’aucun de ces deux préjudices n’est alors possible.
Pour la Cour de Cassation, ce qui empêche l’indemnisation de la perte de chance de la possibilité de vivre est le moment de la survenance de ce préjudice. En étant causé par la mort, il ne peut pas naître avant celle-ci et de facto, ne peut pas intégrer le patrimoine du défunt.
La Cour précise enfin que la preuve d’une véritable conscience de la mort prochaine de la victime soit rapportée. La conscience d’une mort imminente n’est ni automatique ni présumée. Elle ne se déduit pas du seul accident ayant causé la mort.
En l’espèce, les juges du fond qui ont apprécié les éléments de preuves en ont concluent qu’ils ne permettaient pas de constater l’existence d’une vraie conscience de l’enfant victime de sa mort imminente. Il n’était alors pas certain qu’il ait enduré une telle souffrance morale.